Comme tous les dimanches depuis le mois de mars, les bénévoles de l’asbl Ummanity ne ménagent pas leurs efforts pour déblayer les allées des parcelles musulmanes du cimetière d’Evere. Parmi eux, de nombreux jeunes venus apporter leur aide pour cette action à laquelle ils sont particulièrement sensibles. Et pour cause, de nombreux musulmans belges choisissent de se faire enterrer dans leur pays de naissance. Reportage
Le soleil est au rendez-vous ce dimanche 30 avril, de quoi donner du courage aux nombreux bénévoles qui ont répondu à l’appel lancé par Ummaniy asbl afin d’entretenir les différentes parcelles musulmanes du cimetière d’Evere. « Nous avons une convention avec l’intercommunale d’inhumation, nous nous sommes engagés à entretenir les parcelles musulmanes du cimetière, cela concerne le déblaiement, l’entretien des tombes, l’arrachage des mauvaises herbes sur les allées et les tombes. Nous sommes présents tous les dimanches de la mi-mars à la fin du mois de novembre » explique Hanane Bafrouri, présidente d’Ummanity asbl qui prend en charge les frais d’inhumation des défunts musulmans à travers le monde. « Nous nous chargeons aussi des exhumations de musulmans qui ont été enterrés dans des parcelles non-musulmanes, et de l’identification des personnes sans-papiers décédées en Belgique. »
Hausse des enterrements en Belgique
La crise covid a joué un rôle important dans le changement de mentalités liées aux enterrements. Le Maroc ayant décidé de fermer ses frontières durant la crise sanitaire, pour les rapatriements également, les musulmans belges d’origine marocaine n’ont pas eu d’autres choix que d’inhumer leurs défunts en Belgique. « Selon mon expérience personnelle, mon père est décédé durant le début de la crise covid. Nous avions alors lancé une grande campagne pour tenter de toucher le palais royal et permettre ainsi à notre père d’être enterré dans son pays d’origine comme il le souhaitait. Le palais royal nous a finalement répondu par la négative. Le roi s’engageait à prendre en charge tous les frais d’inhumation pour notre père mais il devait être enterré en Belgique. Pour moi, cela a été clairement le point de rupture, le Maroc a coupé le cordon avec ses enfants. Si nos parents sont enterrés ici, nous n’avons plus d’attaches avec le Maroc… » estime Hanane. Les bénévoles présents ce dimanche partagent cet avis. « Je veux me faire enterrer ici, j’habite ici, on se dit qu’au moins nos parents pourront nous rendre visite. Ma grand-mère est enterrée au Maroc et on ne peut lui rendre visite qu’une fois par an » affirme Nora, 19 ans. Même souhait pour Soumaya et Mayssane, 20 et 18 ans. Elles participent pour la première fois à l’action entretien du cimetière. « C’est la première fois, j’ai vu l’affiche et je l’ai partagé avec ma cousine qui était aussi très motivée. Il y a beaucoup de jeunes, cela fait plaisir car au final c’est le meilleur des rappels, nous sommes tous concernés par la mort. Nous prenons soin des tombes et nous invoquons en même temps pour les défunts, dans l’espoir qu’un jour d’autres feront cela aussi pour nous » conclut Soumaya.
Le nombre d’enterrements ayant explosé au cours de ces dernières années, le cimetière d’Evere arrive à saturation, il devrait être complet d’ici 2024 selon le directeur du cimetière. Un nouveau projet est actuellement à l’étude du côté d’Anderlecht mais pour l’heure rien n’est encore confirmé.