Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’EMB. Après avoir introduit un recours en extrême urgence auprès du Conseil d’État contre l’arrêté royal du 15 juin dernier actant la reconnaissance du nouveau Conseil Musulman de Belgique, L’Exécutif reçoit le soutien du Think Tank Vigilance musulmane. Le groupe de réflexion dont émane l’asbl Justice and Democracy a publié une analyse dans laquelle il dénonce une ingérence du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne. Il soutient de ce fait le recours déposé en extrême urgence par l’EMB et n’exclut pas d’engager à son niveau une action en annulation contre ce même arrêté.
Pour rappel, un nouvel organe a été créé par arrêté royal, publié au moniteur belge le 15 juin : le Conseil Musulman de Belgique. Une asbl créée par quatre personnes : Michaël Privot, Taha Zaki, Mimoun Aquichouch, et Esma Uçan. Une asbl dont le siège social se situe à la même adresse que l’Exécutif et dont l’objectif est donc de reprendre ses fonctions en matière de gestion du temporel du culte islamique.
Gestion du temporel et non du spirituel
L’Exécutif des Musulmans de Belgique est un organe administratif chargé, conformément à la loi, de la gestion du temporel du culte musulman. Dans ce cadre, il est l’interlocuteur du gouvernement, et ses compétences ne doivent pas outrepasser ce cadre-là. Or pour Justice and Democracy (initiative du Think Tank Vigilance musulmane), il y a clairement une confusion et une incompréhension en matière du rôle endossé par l’Exécutif « L’EMB n’est pas l’organe représentatif du culte islamique en Belgique et encore moins l’organe qui représenterait les musulmans de Belgique. Vouloir faire jouer à l’EMB un rôle sociétal, politique ou de représentation des différents courants de l’islam de même que l’inviter à promouvoir notamment un islam “progressiste”, c’est le faire sortir de son rôle tel que défini par le cadre juridique en vigueur en Belgique depuis 150 ans. Ce rôle sociétal, politique ou de représentation des différents courants de l’islam, d’autres acteurs de la société civile (ASBL, collectifs, fédérations, syndicats, etc.), dans leur diversité, sont légitimement en situation de l’endosser. » Une fausse idée donc du rôle à jouer par l’EMB circulerait aussi bien au sein des communautés musulmanes qu’au sein des hautes sphères dirigeantes : « En tant qu’organe administratif, l’EMB n’a pas plus vocation à être représentatif sur le plan du genre que sur le plan de l’origine ethnique, sur le plan de la couleur de peau, sur le plan de la nationalité ou encore sur le plan de l’école de pensée au sein de l’islam. Il pourrait être composé exclusivement d’hommes, exclusivement de femmes, exclusivement de Turcs, exclusivement de Marocains, exclusivement de “convertis”, exclusivement de sunnites hanéfites, exclusivement de chiites, et ainsi de suite : ses missions administratives de gestion du temporel du culte resteraient identiques » affirme Think Tank vigilance musulmane.
De nombreux couacs
Le Think Tank Vigilance musulmane revient longuement sur les différents « couacs » de l’institutionnalisation de l’islam en Belgique. Il explique notamment que si l’EMB aujourd’hui dénonce une ingérence de la part du ministre de la Justice, à d’autres moments, l’organe s’en est bien accommodé : « Souvenons-nous par exemple que l’équipe actuelle de l’EMB avait appelé de ses vœux et applaudi l’adoption de l’arrêté royal du 12 juillet 2019 qui créait, en son sein, neuf places de théologien (ne) et neuf places de prédicateur (trice), ce qui revenait à conférer à cet organe chargé de la gestion du temporel – et uniquement du temporel – du culte islamique un rôle spirituel. Par cet arrêté, l’État belge s’immisçait dans le fonctionnement du culte islamique et contrevenait dès lors à la liberté des cultes. » Ce qui avait amené l’ASBL Justice and Democracy à introduire un recours en annulation de cet arrêté royal, le Conseil d’État lui avait donné gain de cause le 19 mars 2021 en annulant l’arrêté royal. Autre élément soulevé par le Think Tank, la création d’un Institut de promotion des formations sur l’islam : « L’article 21 de la Constitution belge consacre le principe de non-ingérence réciproque entre les Églises et l’État, c’est-à-dire que les Églises ne doivent pas intervenir dans la gestion de l’État et que l’État ne doit pas intervenir dans le fonctionnement interne des cultes. Or, cet institut est créé par l’État et tant son “objet social” que son comité de gestion sont déterminés par l’État. Non seulement il y a ingérence, et ce quel que soit le noble motif invoqué pour la légitimer, mais de surcroît il y a une discrimination, puisque le culte islamique fait l’objet d’un traitement particulier. En effet, l’État ne se mêle pas de la formation des rabbins, des prêtres ou encore des pasteurs. »
Passage en force
Pour Vigilance musulmane, l’arrêté royal du 15 juin dernier est tout simplement un passage en force et une ingérence totale de la part du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne : « Non seulement il charge une ASBL créée pour la circonstance et dénommée “Conseil Musulman de Belgique” “de préparer et de mettre en oeuvre le processus visant à la reconnaissance d’un nouvel organe représentatif définitif du culte islamique”, mais de surcroît il confie à cette ASBL (fût-ce provisoirement) l’ensemble des prérogatives dévolues à l’OCC (organe chef de culte) en matière de gestion du temporel du culte. Indépendamment de l’urgence derrière laquelle le ministre voudrait s’abriter pour prendre des mesures visant à imposer un renouvellement des organes internes de l’OCC, il n’était absolument pas nécessaire, pour atteindre son objectif, de déposséder l’actuel Bureau de l’EMB de ses prérogatives et de les confier, en l’absence de toute transparence, au mépris de l’égalité de traitement et de manière arbitraire, à une ASBL créée quelques jours auparavant par 4 individus (Esma Uçan, Taha Zaki, Mimoun Aquichouch et Michaël Privot), qui a pour objet social – comme par enchantement ! – la réalisation des volontés du ministre, et qui a élu domicile à la même adresse que l’EMB. Nous sommes bien en présence de ce qui peut être qualifié, sans hésiter, de “magouille”. »
Ces irrégularités et ces illégalités pointées par Vigilance musulmane pousse le Think Tank à envisager, au sein de son asbl Justice and Democracy, de déposer un recours en annulation de l’arrêté du 15 juin dernier. Il apporte également son soutien au recours déposé par l’Exécutif des Musulmans de Belgique. La fin de l’EMB n’est donc toujours pas actée.
Pour en savoir plus:
https://www.facebook.com/Think.tank.Vigilance.musulmane/posts/658455789658344