Après la saga autour du burkini, celle des mamans accompagnatrices en sortie scolaire, ou encore celle liée à la pratique du sport la tête couverte, la France « des lumières » récidive et nous propose un nouvel épisode pour nous distraire avant l’arrivée de l’été et ses moments de farniente. Cette nouvelle polémique, s’il en fallait encore une de plus, vient stigmatiser les musulmans de France, lassés par tant d’absurdité. La question centrale du débat ? Faut-il ou non interdire l’abaya, vêtement long et ample à l’école?
Pour rappel, la loi du 15 mars 2004 interdit l’ensemble des signes dits ostensibles à l’école. Dans les faits, c’est avant tout le foulard qui est pointé. Une décision justifiée à l’époque par le souhait de protéger les jeunes filles musulmanes des pressions de l’entourage familial ou autres. Or aucune statistique n’est disponible pour étayer ces dites pressions, une loi basée, donc sur de la pure supposition, tandis que les opposants au texte dénonçaient une législation islamophobe.
En novembre dernier, l’Éducation nationale a jugé nécessaire de publier une circulaire sur les vêtements à l’école. L’enseignement en France est-il de si bonne qualité que l’Éducation nationale peut se permettre de publier des circulaires sur des sujets aussi dérisoires ? Une circulaire pour évoquer le manque de moyens des écoles, la question du harcèlement scolaire, de la régression du classement de la France dans les études Pisa et les inégalités sociales entre les enfants issus de milieux défavorisés relégués dans les écoles publiques (dont l’enseignement devient médiocre) et les enfants favorisés, élèves des établissements privés n’était-elle pas plus urgente ? Non, la question de l’abaya a obtenu la priorité…
Ledit document stipule ainsi que les abayas, au même titre que les bandanas et les jupes longues peuvent faire l’objet d’une interdiction « si elles sont portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse ».
Un vêtement religieux ?
« L’idée même d’un vêtement « religieux » est une absurdité. Dans une république laïque, aucun vêtement n’est musulman, ni juif, ni chrétien » affirme Jean-Fabien Spitz spécialiste de philosophie politique dans un entretien accordé au Café pédagogique. « Cela voudrait dire qu’un vêtement changerait de sens en fonction de l’intention de celui qui le porte, ce qui justifierait son interdiction lorsqu’il est avéré que celui ou celle qui le porte a l’intention de lui conférer une signification religieuse. Mais comment s’assurer de la réalité de l’intention si le porteur du vêtement prétend le porter pour des raisons non religieuses, ou si, tout simplement, il refuse, comme il en a le droit, d’être interrogé et jugé sur ses intentions ? Car dans un État qui prétend être respectueux des droits des individus, on ne juge pas les intentions mais les actes. L’idée d’un vêtement religieux par destination conduirait à juger différemment un seul et même acte – le port d’une robe longue – en fonction de l’intention de celle qui l’accomplit. C’est la définition même de l’arbitraire, car un État de droit applique une règle uniforme à des actes extérieurement identiques. C’est aussi la porte ouverte à une dérive sans fin car tout signe, tout vêtement peut devenir « religieux par destination ». Il suffit pour cela que les autorités – le proviseur du lycée, le principal, le législateur – décident qu’ils revêtent une intention dont les autorités elles-mêmes sont les juges en dernière instance. Quel est le recours des citoyens face à un tel abus ? »
En imposant des prescriptions dont le respect n’est en rien indispensable à l’accomplissement de la mission d’instruction (ne pas porter d’abaya dans ce cas précis), l’institution scolaire fait sciemment le choix de fermer les yeux sur des thématiques autrement plus importantes. Une abaya qui couvre avant tout la raison de ceux qui ont décidé de s’en délester.