Un os de porc à l’arrêt de bus Paduwa à Evere, un refus d’entraîner des jeunes de quartiers populaires, la guerre à Gaza exacerbe les tensions chez nous. Au CIIB, on constate effectivement une hausse de plaintes depuis le 07 octobre.
Lundi soir, 11 décembre, ils sont un peu plus d’une dizaine de jeunes mineurs encadrés par trois animateurs à se rendre dans un club de Krav Maga à Bruxelles afin de bénéficier d’une démonstration. « Notre association Artist City ASBL située sur la commune de Laeken organise différentes activités socio-culturelles et sportives pour les jeunes des quartiers sensibles. Cette année, nous organisons notre deuxième édition d’Universport. L’objectif est de lutter contre l’exclusion sociale à travers la découverte de nouveaux sports. Nous étions particulièrement intéressés par le Krav Maga. Nous avons donc pris rendez-vous dans un club pour une démonstration qui devait avoir lieu lundi soir« , expliquent les responsables de l’association et un jeune présent à ce moment-là. Mais dès leur arrivée, l’atmosphère est tendue. « Nous avons été reçus froidement. Personne ne répond à nos salutations. Ensuite, on nous interroge sur la raison de notre présence. Nous leur montrons notre réservation. Mais l’instructeur refuse de nous recevoir. Il invente une histoire selon laquelle nous aurions craché sur le drapeau à l’entrée du club qui comporte des inscriptions hébraïques. Il appelle plusieurs de ses collègues qui étaient de véritables colosses. Ils nous menacent, nous insultent et nous demandent de quitter les lieux. L’un d’entre eux nous glisse : « Israël vaincra! », tandis qu’un autre nous invective et estime que notre présence dans ce club est un manque de respect puisqu’en tant que jeunes originaires d’Afrique du Nord et Centrale, nous sommes des soutiens de la cause palestinienne. Nous avons quitté les lieux, surtout que nos jeunes sont tous des mineurs« , racontent les responsables d’Artist City. Le Krav Maga est à l’origine une technique de défense développée et utilisée par l’armée israélienne. Pour le responsable, c’est l’actuelle guerre à Gaza qui explique le comportement de ces instructeurs à leur encontre.
Dépôt de plainte
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. » À 22h, nous recevons un coup de téléphone de l’instructeur du club de Krav Maga qui m’indique que son club a décidé de porter plainte contre notre association. L’instructeur ne savait pas nous étions également présent lors de l’altercation. Il ment à de nombreuses reprises sur les événements qui se seraient déroulés selon lui. Il menace de porter l’affaire aussi devant la Ville de Bruxelles qui, selon lui, nous coupera l’ensemble de nos subsides. Nous décidons alors également de nous rendre au commissariat de police. Mais là, stupeur, celle-ci refuse d’enregistrer notre plainte sous prétexte que nous serions suspects dans cette affaire. Nous avons dû y retourner à trois reprises avant qu’elle ne finisse par accepter de prendre notre plainte. Nous avons également porter plainte auprès d’Unia. Pour la première fois, nous avons eu le sentiment de ne pas vivre dans un pays démocratique. C’est tellement frustrant. Nous souhaitons qu’il y ait des sanctions et que l’injustice soit réparée! «
Un climat tendu
Une autre affaire révèle un climat tendu actuellement. Un os de porc déposé à l’arrêt de Bus Paduwa accompagné d’un mot : « Cadeau pour les musulmans ». Le Bourgmestre d’Evere, Ridouane Chahid a demandé une enquête. Il a par ailleurs pris la décision de renforcer la sécurité aux abords des lieux de culte, cibles de menaces. Une atmosphère tendue constatée également par le CIIB, le Collectif pour l’Inclusion et contre l’Islamophobie en Belgique. « Nous sommes en général fortement sollicités pour des plaintes concernant le marché de l’emploi et l’enseignement. Mais depuis le 07 octobre, nous avons remarqué un pic de plaintes liées à la vie en société. Nous sommes également en pleine campagne électorale, et au niveau international la guerre à Gaza ainsi que l’importation du débat français, tout cela crée une ambiance négative. On nous rapporte des violences physiques, verbales, on vise principalement des personnes fragilisées, ce sont des femmes sur qui on crache dans la rue, ou des courriers de menaces de mort envoyés à des mosquées. Nous sommes clairement dans le crime de haine. Les présidents de parti se positionnent, pour certains, très à droite et n’hésitent pas à instaurer un climat de haine avec les musulmans en ligne de mire. Nous avons comptabilisés depuis le 07 octobre une quarantaine de signalements dont 6 dossiers ont été ouverts car il s’agit d’actes islamophobes répréhensibles par la loi« , constate Mustapha Chaïri, directeur du CIIB. Il est à noter que de nombreux actes ne sont toujours pas signalés auprès des différentes associations, or « s’il n’y a pas de plainte, il n’y a pas de discrimination ! Notre collectif est là pour accompagner, aider les personnes victimes d’actes islamophobes. Nous avons également développé en parallèle un outil « FlupCops » qui donne tous les conseils sur la manière de bien porter plainte. Les outils et les associations existent, il faut aujourd’hui les utiliser si l’on veut pouvoir combattre efficacement toutes ces discriminations« , conclut le directeur du CIIB.