Elles s’appellent Jamila, Yasmina et Faïza. Leur point commun ? Elles ont toutes postulé au sein de la commune d’Anderlecht pour un poste vacant. Un entretien qui se déroule positivement jusqu’à la fameuse question des signes convictionnels. Malgré les qualités de leur CV, l’administration locale préfère refuser ces candidates en raison de leur foulard. Un rejet vécu difficilement par ces femmes. Ce jeudi soir à 18h le Comité diversité et inclusion 1070 interpellera les autorités communales afin que les signes convictionnels soient désormais autorisés pour les employées à Anderlecht.
Jamila dispose d’une solide expérience dans le secteur du tourisme. En 2021, elle décide néanmoins de réorienter sa carrière. Elle postule donc pour un emploi de gestionnaire social au sein de la commune d’Anderlecht. La commune la contacte rapidement. Son CV intéresse les responsables des ressources humaines qui souhaitent la rencontrer : « L’entretien se déroule positivement devant trois personnes, mon CV et mes expériences sont particulièrement appréciés. Mais l’entretien se termine avec la question du foulard. On me demande si je suis prête à le retirer pour travailler au sein de la commune. J’ai compris que le travail était pour moi si j’acceptais de le retirer. Mais ma réponse était négative. J’ai tenté de comprendre pourquoi ce foulard leur posait tant de problème, mais ils se sont justifiés en indiquant que l’interdiction du port du foulard était indiqué dans les conditions générales de travail. Je l’ai vécu comme une véritable injustice. Aujourd’hui encore, je suis marquée par ce que j’ai vécu comme une véritable discrimination. J’ai été rejetée à cause de mon foulard. C’est très violent et même si on se prépare psychologiquement, on n’est jamais prête à être rejetée en raison de son apparence d’autant que c’était la première fois que je l’entendais de la bouche de mes interlocuteurs. J’ai déjà reçu des refus et j’avais compris que c’était en raison de ma tenue vestimentaire mais c’était la première fois que j’entendais clairement que l’on me refusait un travail en raison de mon foulard. Aujourd’hui encore, lorsque j’y pense, cela m’affecte… »
Des résidents laissés sans soins
Il y a quelques mois Yasmina a vécu une expérience similaire au sein du CPAS d’Anderlecht. « Le CPAS d’Anderlecht était à la recherche d’une ergothérapeute pour l’une de leur maison de repos. Un poste qui était à pourvoir rapidement. Il s’agissait d’un temps plein, or j’ai posé comme condition de ne pouvoir travailler qu’un mi-temps. L’annonce a été postée au mois de juin et je ne pouvais commencer à travailler qu’au mois d’août. Malgré mes conditions, le CPAS m’a contactée pour un entretien. Mais l’entretien n’a pas vraiment eu lieu parce que la dame qui m’a reçue m’a signifié directement que le voile n’était pas accepté. J’ai trouvé cela très injuste et j’ai contacté plusieurs élus locaux à Anderlecht pour dénoncer les faits. Ce qui est scandaleux, c’est que l’administration communale d’Anderlecht préfère laisser des résidents sans soins plutôt que d’engager une personne qui a les qualifications requises mais qui porte un foulard ! Récemment, la même annonce vient d’être publiée. Ils sont toujours à la recherche d’un ergothérapeute alors qu’ils auraient pu avoir une personne depuis le mois d’août… » insiste Yasmina. Les mêmes faits sont dénoncés également par Faïza. Il y a quelques mois la commune d’Anderlecht est à la recherche d’une rédactrice pour le journal communal. Forte d’une expérience solide, elle décide de postuler. Très rapidement, elle est contactée par la responsable des ressources humaines pour une première phase. « J’ai été contactée pour passer un test écrit. Le test était réussi puisqu’on m’a demandé ensuite de passer un entretien oral qui s’est déroulé positivement. La responsable comprend que mon expérience est solide et que mon profil correspond parfaitement à ce qu’ils recherchent. Elle me dit clairement que mon profil est celui qui est retenu mais que je ne peux travailler avec mon foulard. Je refuse, elle comprend totalement mais m’indique que la commune est en pleine réflexion sur le sujet mais que pour le moment aucune décision n’a été prise en faveur d’une autorisation du port des signes convictionnels. Ce que j’ai trouvé totalement aberrant, c’est que l’administration s’était engagée dans une campagne en faveur de la diversité. Des affiches recouvraient les halls de la commune où l’on voyait les gens habillés dans leur propre style : des punks, des personnes couvertes de tatouages,… Elles étaient autorisées à montrer leur différence tandis que ma différence dérangeait… » Aucune de ces femmes n’a envisagé de porter plainte, pourtant des instances comme le CIIB conseille, dans de tels cas, de prendre contact avec le collectif afin de trouver des solutions.
Interpellation communale à 18H
Ces témoignages reflètent les difficultés et les discriminations que vivent au quotidien les femmes musulmanes qui sont à la recherche d’un travail. Compétentes, elles font face à de nombreux obstacles si bien que cette recherche d’emploi s’apparente à un véritable parcours du combattant. Aujourd’hui, la diversité s’affiche partout à Bruxelles, une diversité qui ne se reflète pourtant pas dans les administrations publiques. La commune d’Anderlecht mène pourtant un travail de réflexion depuis deux ans sur la question de la diversité et des signes convictionnels. Un groupe de travail a donné son feu vert à l’autorisation du port du foulard au sein de la commune. Mais certains résistent et refusent de voir des femmes musulmanes accéder à ces postes. Le Comité diversité et inclusion 1070 interpellera les responsables communaux afin qu’ils votent la résolution déposée par Écolo en faveur de l’autorisation du port de signes convictionnels. Le sujet est sensible, Fabrice Cumps, bourgmestre d’Anderlecht a décidé d’interdire tout public au conseil communal. Les motifs invoqués sont d’ordre « sécuritaires ». Des centaines de femmes s’étaient données rendez-vous pour réclamer leur droit. Une situation inédite, même les interpellations liées au plan GoodMoove n’avait pas été interdites au public…
Pour rappel, Molenbeek a été la première commune à autoriser les signes convictionnels pour ses employés mais la décision n’est toujours pas d’application.