Depuis le 7 octobre dernier, chaque mot, chaque image ou vidéo utilisés par les médias sont scrutés. Les courriers adressés aux rédactions sont en hausse, c’est ce que constate notamment le médiateur du groupe France Télévisions. Une hausse comparable à celle vécue lors de la pandémie de Covid. Il s’agit avant tout d’un indicateur des pressions exercées par les groupes et autres lobby. Décryptage
En 2001 déjà, le journaliste et essayiste Alain Gresh constatait que lorsqu’un article, un reportage ou une émission sur Israël déplaisait, les rédactions étaient submergées de messages pro-Israël. Mais face à cette réaction massive, il constatait la passivité des Pro-Palestiniens, et cela, même si le pire était raconté. Invité dans l’émission « Votre télé & Vous », diffusée sur France 3 le 25 octobre dernier, Jean-Pierre Jacqmin, directeur de l’Information et des Sports à la RTBF, indiquait qu’il n’y a « jamais eu autant de débats, image par image, dans les rédactions. » La guerre à Gaza exacerbe les tensions et les divisions au sein de la société.
Bombardement de l'hôpital Ahli à Gaza
Un exemple concret de cette pression exercée par les défenseurs de la cause israélienne est la couverture médiatique de la RTBF de l’explosion qui a touché l’hôpital palestinien Al Ahli. La RTBF indiquait ainsi « Les réactions indignées et plaintes continuent à arriver sur les réseaux sociaux et dans les boîtes mails de collaborateurs la RTBF. « La RTBF a sciemment désinformé en attribuant l’attaque d’un hôpital à Gaza à Israël », indiquent dans le texte ou en substance les plaintes que nous recevons. » La chaîne publique ajoute « l’une de ces plaintes provient du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB) qui indique sur Instagram « condamner la communication par la RTBF d’informations non vérifiées relayant ainsi sciemment la propagande du Hamas ». »
Un rôle citoyen à jouer
Que ce soit la guerre en Palestine, le droit à un enseignement de qualité, l’écologie, les cours de religion dans les écoles, le port du voile, ou toute autre question qui impacte les musulmans de près ou de loin, nous avons un rôle citoyen à jouer. Nous avons une responsabilité collective dans le traitement médiatique des informations qui nous concernent. A l’approche des élections fédérales (9 juin 2024) et qui seront suivies des élections communales (13 octobre 2024), la voix des citoyens musulmans belges sera particulièrement prisée par nos hommes et femmes politiques. Un moyen de pression pour garantir nos droits, semblables à ceux de l’ensemble des citoyens belges…
Des actions concrètes
Pour assumer pleinement ce rôle citoyen, il existe différentes actions concrètes parmi lesquelles:
1) Interpeller les médias concernant leur couverture médiatique de ce conflit: exemple évoquer les « morts » palestiniens en lieu et place de « tués ». Vous pouvez interpeller les différents médias par courriel électroniques: RTBF, Le Soir, RTL, La Libre Belgique, La DH, Sudinfo. Par ailleurs, une initiative belge à souligner, l‘Observatoire médiatique qui appelle les citoyens à se mobiliser afin de dénoncer « l’absence d’éthique » d’alerter « sur les dérives médiatiques » et « de reprendre le contrôle de ce qui nous est diffusé. » L’objectif est de signaler systématiquement les propos répréhensibles tenus dans les différents médias auprès de l’ARCOM, le CSA français.
2) Continuer à partager les informations concernant Gaza sur les différents réseaux sociaux: plusieurs journalistes et pro-Palestiniens (les journalistes Faïza Ben Mohamed et Amine Snoussi ou encore le politicien français de La France Insoumise, David Guiraud) ont ainsi été la cible de menaces de mort de la part de l’ultra-droite israélienne qui a fait circuler leur numéro de téléphone privé dans différents groupes, révèle une enquête de l’agence de presse turque Anadolu. Preuve, s’il en fallait encore une, que la bataille de l’information est fondamentale. Des comptes Instagram tels que ceux de Motaz Azaiza, By Plestia, Bisan Wizard, journalistes présents à Gaza, ou encore celui de l’activiste américain Shaunking sont des sources d’informations indispensables.
3) Boycotter. Il ne s’agit pas de boycotter l’ensemble des produits disponibles sur le marché mais d’une action ciblée sur des produits déterminés tels que Carrefour, Puma ou encore Axa et HP. Vous retrouverez l’ensemble des produits ciblés sur le site de la campagne BDS.
4) Participer aux rassemblements pour la Palestine afin d’exiger un cessez-le-feu immédiat.
5) Enfin, Informez-vous, impliquez-vous, mobilisez-vous!
La Belgique relativement neutre
Même si la guerre à Gaza divise et crée de véritables tensions, il est à remarquer qu’en Belgique, l’information reste relativement neutre contrairement à ce que l’on peut constater chez nos voisins français où les médias d’opinion prennent de plus en plus de place dans la sphère publique. Des médias où la parole raciste et xénophobe est libérée.
La Belgique fait aussi figure d’exception en matière de positionnement politique notamment à travers la voie portée par le Premier ministre Alexander De Croo lors de son voyage en Israël et qui a déplut aux autorités israéliennes.