Kheir inchallah, c’est le premier « seule en scène » de Yousra Dahry. Une première qui a été accueillie chaleureusement par le public et les professionnels. Les dates programmées jusqu’à présent ont à chaque fois suscité un tel engouement que le spectacle a très vite affiché complet. Rencontre
Yousra Dahry, une première question, pourquoi Kheir inchallah ? Une expression très connue au sein de la communauté maghrébine…
Pourquoi Kheir inchallah ? Parce que ce spectacle arrive au bout d’un très long processus, d’une introspection jusqu’à mes 34 ans. Et avec le recul, je me dis « Kheir inchallah ». Lorsque l’on se trouve au pied du mur, lorsque cela ne va plus très bien, c’est l’expression qui est formulée. Dans la difficulté, on essaye au final d’y voir quelque chose de positif. Et en même temps, quand je n’allais pas très bien, quand on m’a fermé des portes, on me disait aussi « Kheir inchallah », pour mettre un terme à la discussion. Donc il y a deux connotations : une positive et une négative.
En quelques mots, quels sont les thèmes que vous abordez dans votre spectacle ?
C’est une comédie dramatique ou comment rire de ses propres blessures. C’est l’histoire d’une jeune bruxelloise, enfant unique dont le rêve de son père est d’avoir un garçon. J’ai donc grandi avec les codes d’un garçon dans la peau d’une fille. Et cette éducation d’une part de mon père et des « draris » (les gars) de mon quartier avec qui je grandis vont forger mon identité. C’est cet aspect d’équipe, de groupe que j’ai toujours affectionné même dans la religion. J’analyse aussi mes mariages et mes divorces à la lumière de cette éducation. J’y aborde la question de la sexualité et de tous les tabous qui l’entourent. C’est une ode à mes parents, aux draris et à Dieu. Un spectacle d’amour du début à la fin.
Ce spectacle a un côté thérapeutique ?
Il est complètement thérapeutique ! J’ai dû d’abord digérer certains évènements de ma vie avant de pouvoir les présenter sous une forme artistique, une parole universelle qui puisse toucher un public large.
Quel regard portent vos parents sur le spectacle ?
Ma mère est venue à toutes les représentations jusqu’à présent (rires) et mon père deux fois. Il discute avec le public et montre des photos de moi enfant, c’est très drôle et touchant. Ils sont très fiers tous les deux mais ils n’apprennent rien de nouveau avec ce spectacle. C’est un album photo que j’ai ouvert devant les gens. Ils sont fiers aussi que je puisse lever certains tabous et permettre à d’autres familles de discuter de certaines questions.
Et l’accueil du public est au rendez-vous : le spectacle est à chaque fois complet !
Je ne suis pas encore redescendue, je n’ai pas encore eu l’occasion d’analyser les évènements mais je m’octroie le droit de savourer. Beaucoup de théâtres veulent me programmer. Pour un premier projet, je ne pouvais pas rêver mieux. Donc je le laisse exister, je suis très heureuse. Je n’ai pas envie d’être trop dure avec moi, je suis fière de mon parcours. Le monde du spectacle ne le présente pas comme un spectacle de la diversité mais comme un spectacle d’une vraie artiste, c’est un projet respecté par les professionnels. Il ne s’agit pas d’avoir leur aval mais cela fait du bien de voir son travail récompensé. Le seul regret serait peut-être de ne pas l’avoir fait plus tôt.
Super article !