La guerre opposant le Hamas et Israël a franchi une nouvelle étape avec des incursions terrestres de plus en plus nombreuses même si Israël semble pour le moment ne pas vouloir entrer totalement dans la bande de Gaza. Et le bilan est lourd côté palestinien, plus de 8000 civils ont été tués dont la moitié sont des enfants. Si les images des otages israéliens circulent abondamment et que leurs voix sont diffusées à travers leurs familles, les morts Palestiniens semblent tomber dans l’oubli, leurs visages et leurs histoires ne circulent pas ou très peu. Pourquoi ? Musulmans.be vous donne quelques éléments de réponses.
La proximité affective
En journalisme, il existe une loi pour expliquer pourquoi certains sujets bénéficient d’une couverture médiatique plus importante que d’autres. On l’appelle la loi de la proximité affective. C’est le principe à partir duquel une information aura plus d’importance en fonction de sa proximité avec le public. Cette proximité se décompose en quatre axes : l’axe géographique : le lecteur est surtout intéressé par ce qui se passe près de chez lui (une grève des transports,… parce qu’il sera directement impacté,…) l’axe temporel ( priorité à une information récente par rapport à une information plus ancienne), l’axe affectif (mort, santé, famille,…) et enfin l’axe sociétal/socio-professionnel (l’information varie en fonction de l’âge, du métier et des loisirs du public,…). Enfin, la loi du « mort-kilomètre » est une règle en journalisme qui veut que l’on évoque davantage un mort à côté de chez nous que 10 de l’autre côté du globe. Ce critère de proximité inclut aussi cette capacité du lecteur ou du public à se reconnaître dans l’autre.
Le cas de la guerre en Ukraine, un exemple concret
La couverture médiatique par l’Occident de la guerre en Ukraine a été fortement critiquée. En cause, cette différence d’empathie de la part de nombreux journalistes qui se reconnaissaient pleinement dans ces réfugiés « blonds aux yeux bleus » et qui se trouvaient sur le sol européen alors que la guerre en Syrie et le flux de réfugiés n’avaient pas bénéficié d’un tel « engouement ». Cette ressemblance physique a eu clairement un impact dans le traitement médiatique accordé par les médias à cette guerre. La position européenne, pro-Ukrainienne a également joué un rôle dans le choix de cette couverture médiatique.
Gaza, un terrain miné
La couverture du conflit israélo-palestinien reste pour les journalistes un sujet complexe à couvrir. Mais le choix de certains mots au détriment d’autres a toute son importance et joue un rôle majeur dans l’orientation de l’opinion publique. Et ces choix, au regard de leur impact, ne peuvent être inconscients ou involontaires. À titre d’exemple : les morts israéliens lors de l’attaque du Hamas sont appelés « tués », tandis que les Palestiniens décédés lors des bombardements sont systématiquement nommés « morts ». Les noms et images de tous les otages israéliens circulent et leurs histoires sont racontées, tandis que les plus de 8000 tués Palestiniens sont anonymes, un chiffre froid et qui forcément crée une distance affective puisque nous ne pouvons pas nous identifier à un chiffre… On évoque également une guerre religieuse, or il s’agit bien d’un conflit politique. Une guerre entre l’islam et le judaïsme, ou plus insidieusement, on évoque une guerre de civilisations qui opposerait le terrorisme à l’Occident. Or le terrorisme n’est pas une civilisation contrairement à la civilisation islamique (avec les mathématiques, la langue arabe à qui d’ailleurs l’Occident doit beaucoup). Enfin, un autre exemple, est le fait de commencer systématiquement la guerre entre Palestiniens et Israéliens le 7 octobre 2023. Or tous les éléments du contexte sont passés sous silence : la colonisation, le régime d’apartheid, le blocus de l’enclave palestinien, les prisonniers palestiniens, dont de nombreux enfants, qui n’ont pas été jugés,… Tous ces éléments poussent aujourd’hui de nombreuses personnes à s’informer à la « source », via les journalistes présents à Gaza. Motaz Azaiza, journaliste palestinien, a vu ainsi son nombre de followers monter en flèche depuis le début de la guerre et a atteint plus de 11,6 millions. Un autre compte, celui d’un américain ShaunKing, est également très populaire, plus de 4,6 millions de personnes le suivent sur Instagram. Il relaie de nombreuses vidéos de personnes présentes à Gaza. Un engouement qui a poussé quelques soldats israéliens a affirmé qu’il était un soutien d’Israël, une manière peut-être de le discréditer auprès de ses followers mais qui n’a eu aucune incidence.